Il y a 75 ans à Hiroshima

     Le 6 août 1945, à 8 h 15 du matin, un bombardier américain B-29 largue sur la ville japonaise d’Hiroshima la première bombe atomique de l’histoire. C’est une arme à l’uranium baptisée Little Boy. Un second raid est conduit le 9 août sur Nagasaki. Conçue selon un modèle au plutonium, cette seconde bombe est sphérique si bien que les militaires américains l’ont surnommée Fat Man.

Observant l’effroyable bilan humain, entre 155 000 et 250 000 tués en quelques instants, l’empereur du Japon impose à son gouvernement la capitulation sans condition. Il est admis de dire que ces bombardements atomiques ont mis un terme à la seconde guerre mondiale.

En France, l’évènement interpelle Frédéric Joliot-Curie, prix Nobel de chimie et savant atomiste à qui l’on doit la démonstration de la fission de l’atome d’uranium. Ses travaux avaient été interrompus suite à la déroute des armées françaises devant la Wehrmacht en mai-juin 1940. Dès qu’il apprend pour Hiroshima, il déclare à l’AFP: « L’emploi de l’énergie atomique et de la bombe atomique a son origine dans les découvertes effectuées au Collège de France par MM Joliot-Curie, Halban et Kowarski en 1939 et 1940. » Bref, la première bombe atomique aurait pu être française.

Philosophe et écrivain, Albert Camus nous livre cette réflexion dans Combat le 8 août : « Devant les perspectives terrifiantes qui s'ouvrent à l'humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d'être mené. Ce n'est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l'ordre de choisir définitivement entre l'enfer et la raison. » Les dirigeants français prennent conscience que le monde a basculé dans une nouvelle ère et mettent en place un programme nucléaire confié à un nouvel organisme, le Commissariat à l’énergie atomique, le CEA, fondé dès octobre 1945.

Le 6 août 2020, 75 ans après, comme chaque année, une cérémonie à la mémoire des victimes civiles de la guerre se tient à Hiroshima. Les raids atomiques sur le Japon inspirent en France une nouvelle stratégie de défense, une stratégie fondée sur la dissuasion avec armes nucléaires. L’objectif est d’épargner au pays les risques d’une nouvelle guerre, une guerre qui serait dévastatrice à l’ère atomique. Forcément.

C’est à chacun de se faire une opinion. Il devient donc essentiel de saisir des enjeux de l’atome, politiques comme militaires, mais aussi de bien saisir les mécanismes complexes des stratégies de dissuasion. Tel est l’objet de l'ouvrage de Philippe Wodka-Gallien, récemment paru : La dissuasion nucléaire française en action – Dictionnaire d’un récit national.